Le migrant est l’une des figures majeures de la modernité. Les démographes annoncent que le XXIème siècle sera celui des migrations des populations les plus pauvres du globe vers les régions où se concentrent la richesse, la démocratie, la justice sociale et le rayonnement artistique et culturel. Ils nous apprennent que tous les États souverains de la planète sont aujourd’hui des pays de départ, de passage et de destination des flux migratoires et que ces derniers font vivre à un nombre jamais atteint d’hommes et de femmes la perte du pays et du foyer d’origine, dans l’espoir de bâtir, à l’étranger et parmi des étrangers, une autre vie, un nouveau chez-soi, celui de l’installation et de l’arrivée.

Cet ouvrage examine ce chez-soi fondé sur l’abandon personnel et intime de ce qui est originellement donné – ¬ un chez-soi qui, si pauvre et hostile soit-il, n’oblige pas à demander l¹hospitalité – ¬ au profit d’un projet de compter sur l’hospitalité des autres et ainsi de prendre sa place parmi eux : Un chez-soi chez les autres.

Qu’est-ce, en substance, que ce projet ? Quels rapports instaure-t-il entre l’accueilli et son hôte, selon quelles lignes d’entente et quelles lignes de faille ? Quels sont les enjeux de ces rapports pour les sociétés d’accueil ? Ces questions font ici l’objet d’une réflexion collective et concertée, qui s’ouvre sur un examen du chez-soi à l’épreuve des mobilités caractéristiques des sociétés occidentales contemporaines, réflexion qui permet de mesurer à quel point l’émigration / immigration est irréductible aux autres mobilités modernes. Le chez-soi du migrant est un chez-soi de conquête, constamment habité par des interrogations et des objectifs qui lui sont propres. Il doit, pour se réaliser, partir de l’envers – le monde étrange et étranger dans lequel l’immigration fait arriver – pour retrouver l’endroit.

Ce faisant, que garde – que peut garder – l’immigrant de son chez-soi premier ? A cet égard, la société d’accueil est tendue entre hospitalité et réticence. Parce que l’égalité juridique et le partage de la vie civique ne semblent pas suffisants pour réconcilier l’accueilli et l’accueillant, ce livre propose une vision de la vie collective en pays d’immigration et éclaire cette question à l’occasion d’une exploration psychologique de l’arrachement au chez-soi et d’un examen psychosociologique approfondi des types de rapports entre immigrants et autochtones qui s’inscrivent sur le territoire de la cité.

Mais le chez-soi est-il toujours, pour toute migration, une question de lieu, de territoire ? S’agit-il toujours, pour le migrant, de prendre sa place et de faire advenir, nécessairement dans un lieu, son chez-soi ? Cette question est abordée en conclusion de ce livre afin que s’ouvre une nouvelle perspective sur la question du chez-soi chez les autres.

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TABLE DES MATIERES

Émigrer

En mouvement
Le chez-soi à l’épreuve des mobilités
Perla Serfaty-Garzon

Départs
Liliane Demers

Objets
Suzanne Danino

Travailler
Orly Nahmias

Dislocation
Aspects fondamentaux de l’expérience de la rupture dans l’immigration
Hélène Schwelb

À l’envers, retrouver l’endroit
Alain Médam

En pays d’immigration
Positions sur le multiculturalisme, le métissage et l’interculturalisme
Julius H. Grey

Quitter sa maison
Les enjeux du déplacement
Vittoria Giuliani

Mixité, homogénéité et ghettoïsation dans la construction d’un chez-soi ailleurs
Observations sur l’expérience des migrations
sur de courtes et de grandes distances
Enric Pol

La migration comme traumatisme et comme idéal
Réflexions sur l’histoire juive
Marc-Alain Wolf

 

Recension par Jean Morval,
Professeur émérite, Université de Montréal, 2007

Cet ouvrage collectif apporte un éclairage nuancé et diversifié sur un des grands débats de société de l’heure : l’immigration et ses problématiques en particulier a Montréal. Dans plusieurs pays on sait que la question des accommodements raisonnables, amplifiés par les médias confronte les politiques de plusieurs nations surtout en période électorale. L’analyse que proposent les sept auteurs de ce livre «UN CHEZ SOI CHEZ LES AUTRES» permet sans nul doute d’articuler une réflexion assez complète et nuancée. L’inspiration qui sous-tend plusieurs chapitres relève de Ia psychologie environnementale. II faut avouer au passage que Ia psychologie sociale traditionnelle, du moins dans certains cercles, n’est pas d’un très grand secours dans l’analyse des phénomènes urbains contemporains. Les regards croisés des auteurs sont d’ailleurs à l’image de cette discipline émergente qu’est la psychologie environnementale multidisciplinaire ou mieux transdisciplinaire.

Pour un psychologue social, c’est probablement Ia contribution d’Enric Pol qui sera la plus instructive quant à la construction d’un chez-soi ailleurs. Ses observations sur l’expérience des migrations de courtes et grandes distances en Catalogne sont documentées et reposent sur des recherches de terrain. Le laboratoire de psychologie sociale environnementale dirige par Pol a l’Universite de Barcelone, est d’ailleurs une des unités des plus productives et novatrices en matière de gestion urbaine. Au niveau conceptuel, on retrouve le modèle propose par Pol qui met en relation I’appropriation de l’espace, Ia construction de I ‘identité et la cohésion de Ia communauté. Suivent quelques données à propos des facteurs qui stimulent des migrations en général, pour s’appliquer ensuite au cas de Barcelone dont Ia population étrangère en 2005, s’élevait a 14.6%. Les relations entre immigration, statut social, statut légal et Ia conjoncture économique sont évoquées ainsi que les conflits possibles entre personnes de souche et immigrants. Une section forte intéressante aborde les avantages et inconvénients des quartiers mixtes par rapport a ceux qui sont homogènes. On retrouve ici la notion d’insécurité environnementale et son impact sur Ia qualité de vie médiocre de plusieurs zones urbaines. Sur le plan théorique, Ia notion centrale est donc l’appropriation de l’espace urbain dans ses deux facettes, d’action et de transformation. Pol réussit ainsi à travers ce processus de mieux saisir le vécu des personnes immigrées en particulier, leur chez-soi, qui doit se construire dans Ia société d’accueil. Dans un commentaire, Perla Serfaty risque même Ia formulation, le chez-soi du migrant est un chez-soi de conquête. On peut se demander, cependant, si le chez-soi des locaux établis depuis longtemps dans une ville, est possiblement un mecanisme de résistance légitime a !’intrusion. Le texte de Pol est donc très riche, même s’il souffre d’un manque de fil conducteur univoque et s’alimente de sources disparates (LEFEBVRE, TAJFEL, BERRY, MARKUS, MOSER).

La mise en bouche de Perla Serfaty, porte sur le chez-soi à l’épreuve des mobilités. Avec son élégance habituelle, notre collègue examine les manières contemporaines d’habiter du touriste et de l’individu hyper mobile. Comment habite-t­on quand on va vivre chez les autres ? L’originalité du propos réside a mon sens, dans Ia fine analyse du voyage touristique contemporain avec sa caractéristique d’être un double voyage : celui de départ et celui du retour chez-soi. Dans ce type d’aventure, on peut constater comme un dédoublement de Ia personnalité, Ia séparation du « moi » routinier du temps ordinaire et celui du moi du voyage exotique tourne vers Ia découverte d’environnements lointains. En ce sens, le touriste va délibérément habiter un temps chez les autres, prenant même le risque de l’inconfort en sachant qu’un abri qui lui est propre !’attend au retour. L’examen du tourisme de masse démontre que les lieux touristiques parfois les plus éloignés deviennent des points de départ de nouveaux flux migratoires. Les cliches d’un occident libre et prospère repris par Ia culture médiatique font croire aux populations des pays pauvres qu’émigrer au Nord ou a l’Ouest sont Ia solution. Le déracinement devient le sacrifice nécessaire pour assurer aux membres de sa famille un avenir. Redoutant l’insécurité et le désordre, les populations immigrées donnent souvent leur appui aux dirigeants les plus conservateurs des pays d’accueil. Les lignes rédigées par Serfaty sont d’autant plus intéressantes qu’elles témoignent a Ia fois de son travail d’enquête sur le terrain et de sa maitrise exceptionnelle de Ia littérature de psychologie environnementale. Suivent dans l’ouvrage, les contributions de quatre auteurs féminins qui avaient d’ailleurs fait !’objet d’un livre précédent « ENFIN CHEZ SOl? Récits féminins de vie et de migration» (2006).Liliane Demers présente ainsi dans le”chapitre Departs une variété de cas de figures d’immigration suite à un départ force, secret ou fondateur d’une famille. L’exil y apparait en soi, moins un moment qu’un processus. Par l’exploration de l’exil l’auteure nous fait mesurer Ia facette tragique du départ de Ia terre nationale.

Dans un court texte (Objets), Suzanne Danino nous rappelle quels sont les objets que !’immigrant apporte lorsqu’il doit quitter son pays d’origine: le linge de maison, les photos de familles, quelques livres, etc. Voila une analyse sensible de l’étrange inventaire des objets apportés avec soi et qui vont se retrouver dans les recoins du «chez soi »de !’exile.

Orly Nahmias (Travailler) s’intéresse davantage a ce qui garantit l’indépendance de !’immigrant dans la terre d’accueil : le travail professionnel y compris un éventuel déclassement professionnel. La nécessité d’occuper un emploi y est illustrée comme une affirmation de Ia dignité.

Le texte de Hélène Schwelb (Dislocation. Aspects fondamentaux de l’expérience de la rupture dans l’Immigration) centre sur l’expérience de rupture impliquée dans l’immigration nous éclaire ce que l’auteure qualifie de phénomène de dislocation. Tour à tour sont évoqués Ia dislocation des liens lors du départ du lieu d’origine, le temps de l’arrivée ailleurs a Ia recherche de Ia chaleur d’un nouveau chez soi. II est question aussi du deuil nécessaire pour surmonter le déracinement et peut-être s’acculturer au sein de Ia communauté d’adoption. Ces quatre textes méritent d’être Ius même si un peu de redondance s’y retrouve. Ceci est sans doute produit par les chercheurs qui avancent leurs idées à partir du même corpus de témoignages diversifiés, mais restreint (26 personnes vivant au Canada depuis 15 à 50 ans).

Alain Medam, sociologue réputé, est l’auteur du chapitre À l’envers, retrouver l’endroit; il a produit antérieurement des publications brillantes. Ce texte élégant, farci de subtilités de langage nous éclaire relativement peu. Dans Ia section suivante ou le constitutionnaliste. Julius H. Grey s’interroge sur Ia question« Comment vivre ensemble?», ses propos nous plongent au coeur même de débat actuel des accommodements raisonnables (ou non) face aux groupes minoritaires issus de !’immigration. La position adoptée est nuancée et remet en question le modèle du multiculturalisme canadien valorise depuis l’ere Trudeau dans les années ou ce dernier était Premier Ministre du Canada. De son côte, Vittoria Giuliani aborde le concept d’attachement et son application aux immigrants. Quels sont les enjeux du déplacement volontaire ou force? Quels liens existent entre l’itinéraire individuel et l’histoire collective des migrations dans le monde?

Enfin, le psychiatre Marc-Alain Wolf consacre quelques lignes à Ia migration juive à Ia fois comme traumatisme et comme idéal. Par ces observations historiques et cliniques, il souligne Ia spécificité du chez-soi pour le migrant juif.

En conclusion, les propos de ce livre sont assez denses; toutefois, Ia lecture est facilitée par une écriture soignée et qui illustre ce que Ia psychologie environnementale, par sa nature transdisciplinaire, peut apporter a Ia compréhension de I’immigration.

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