Premières lignes :
L’hospitalité désigne la rencontre et la reconnaissance mutuelle entre deux personnes au moins et requérant un espace dans lequel prendre place. Nous appelons cet endroit notre chez soi, que ce terme concerne une maison, un quartier, une ville, ou la Terre.

L’hospitalité est une valeur majeure chargée d’une puissante force évocatrice. Héritée de la pensée morale de la Grèce et de la Rome antiques, et des textes fondateurs philosophiques, éthiques et théologiques de la Bible Hébraïque et de l’Ancien Testament, elle continue à faire partie de notre vision du monde, et comprise comme une prise de risque éthique. Rares sont en effet ceux qui avouent qu’ils ne sont pas hospitaliers, tandis que la quasi-synonymie entre l’hospitalité et l’accueil chaleureux de l’autre est couramment assumée.

Pourtant, un ensemble très élaboré de règles temporelles, spatiales et morales de l’hospitalité est suivi à la fois par l’hôte accueillant et accueilli pour assurer la régulation et la dynamique de celle-ci, avant, pendant et après leur rencontre, à travers une gamme de marqueurs matériels et symboliques que l’accueillant potentiel veille à faire respecter. De telles règles aident à sécuriser les maisons, reconnaissant ainsi inévitablement qu’il existe un risque, voire un danger, de confrontation et d’hostilité entre les deux hôtes. Elles sont censées apprivoiser et limiter l’hostilité ouverte, la cantonner à un état latent, tout en laissant place à l’accueil.

De la force apparemment bénigne mais puissamment symbolique de la clôture marquant la fin du domaine du début de la sphère privée de la maison des hôtes potentiels, et la promenade théâtrale, parfois cérémonielle vers la ruelle, le porche ou les escaliers, les invités marchent jusqu’au lieu complexe qu’est le seuil. Là pourrait survenir la première menace d’intrusion et la souveraineté de l’accueillant être remise en cause. De fait, les fondements de cette souveraineté vacillent déja. La vigilance et le filtrage des invités ont déjà lieu. La confrontation est silencieuse. Elle ne sera résolue que par la réponse que donnera l’accueillant à la question intérieure qu’il se pose : permettra-t-il – ou non – aux invités « d’être » dans sa maison, et à l’hospitalité de « prendre place » chez lui ?

Parce que les invités sont définis par leur position d’extériorité à la maison, le seuil est « par nature » le lieu où l’hostilité latente contenue dans l’hospitalité est évaluée, dans l’espoir d’être apprivoisée, et résolue sous la forme d’un accueil provisoire. Car l’accueil constitue un contrat implicite, un engagement de retenue et de respect mutuels qui confirme l’accueillant dans sa pleine souveraineté chez lui et sa capacité d’en dicter les usages spatiaux et temporels. Il engage l’accueilli à accepter d’être servi par son hôte sans pourtant usurper la place de ce dernier en tant que souverain dans sa maison, ni devenir un parasite. Aux yeux de l’accueillant, le seuil est transgressif en ce qu’il représente le lieu même de l’acquiescement mutuel aux termes d’un tel contrat.

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